Or, l'archéologie nous fournit un élément de réponse sous la forme de la stèle de Karnak dédiée par le roi Ahmose à sa mère la reine Ah-hotep : "Celle qui a accompli les rites et pris soin de l'Égypte. Elle a veillé sur ses troupes et les a protégées. Elle a ramené ses fugitifs et rassemblé ses déserteurs. Elle a pacifié la Haute Égypte et a chassé les rebelles." On peut ainsi comprendre que la reine Ah-hotep aurait été à l'origine d'un compromis entre ses deux fils devenus frères ennemis. Le siège d'Avaris s'éternisant une épidémie se serait déclarée dans la ville menaçant le reste de l'Egypte. Il était urgent de trouver une solution pour sauver le pays du désastre. Il fut donc convenu que les occupants d'Avaris quitteraient librement l'Egypte pour leur pays d'origine (le Levant) sous la conduite de Kamose qui hériterait ainsi du pays de son grand-père Apophis Aa-ouser-ré, tandis que son demi-frère Ahmose régnerait sur l'Egypte, l'héritage de son défunt père assassiné Se-qen-en-ré (= Canaan également fils de Aa-ouser-re Apophis).
Un ancien mlitaire de carrière, Ahmose fils d'Ebana raconte sur les murs de sa tombe à El-Kab, qu'il combattit l'ennemi sur l'eau lors du (deuxième) siège d'Avaris par Ahmose et poursuivit les Hyksos après leur sortie d'Egypte jusqu'à la prise de leur dernier refuge, la forteresse de Sharuken. Mais curieusement, il ne nous dit pas quel était le souverain d'Avaris combattu par les troupes du roi Ahmose lors de cet ultime combat.
Or, si Kamose a déjà pris Avaris, c'est que le roi Ahmose voulait maintenant reprendre la ville occupée par son demi-frère Kamose, son aîné de 15 ans, qui refusait de lui rendre la souveraineté sur la Basse Egypte et sur tous les territoires qu'il avait lui-même reconquis en luttant contre les Hyksos. Maintenant les occupants du Nord étaient donc les fidèles de Kamose en rebellion ouverte contre son frère qui revendiquait le trône de Thèbes en tant qu'héritage de son père assassiné Se-qen-en-ré. C'est bien ce qui nous est raconté dans le conte mythologique tardif du "Conflit entre Horus et Seth" où le tribunal des dieux n'arrive pas à trancher dans ce délicat litige : Qui doit hériter du trône, le fils du défunt roi qui n'est encore qu'un frêle jeune homme sans expérience (Horus =Ahmose) ou bien son oncle et frère aîné par sa mère (Seth = Kamose) qui est déjà un homme fait et un héros national en tant que défenseur de Ré.
*On peut à juste titre s'étonner des curieuses formes grécisées des noms des pharaons chez les auteurs anciens, et en particulier chez Manéthon qui était pourtant égyptien. A ce sujet, il faut considérer qu'à cette époque en Egypte l'écriture courante était le démotique. Et on peut facilement imaginer que les scribes ne savaient plus très bien déchiffrer l'écriture des archives des temples qui étaient rédigées en caractères hiératiques.
Pour en savoir plus : Toutes les données de l'archéologie et les documents authentiques relatifs à la période que nous venons de décrire sont rassemblés dans l'excellent livre de Christophe Barbotin intitulé "Ahmosis et le début de la XVIIIe dynastie" paru en 2008 et qui fait le point sur la question.
Flavius Josephe (C.A., Livre I, 88-90) nous rapporte la tradition tardive relative à ces évènements :
"Le fils de Misphragmouthôsis, Thoummôsis, tenta de les soumettre par un siège et les encercla avec quatre cent quatre-vingt mille hommes. Enfin, renonçant au siège, il conclut un traité d'après lequel ils devaient quitter l'Égypte et s'en aller tous sains et saufs où ils voudraient. D'après les conventions, les Pasteurs avec toute leur famille et leurs biens, au nombre de deux cent quarante mille pour le moins, sortirent d'Égypte et, à travers le désert, firent route vers la Syrie. Redoutant la puissance des Assyriens, qui à cette époque étaient maîtres de l'Asie, ils bâtirent dans le pays appelé aujourd'hui Judée une ville qui pût suffire à tant de milliers d'hommes et la nommèrent Jérusalem. "
Ici Misphragmouthôsis = Kamose (alias Menès) qui deviendra plus tard Thoutmosis Ier. Thoummosis est Ahmose (demi-frère de Kamose) considéré comme son fils puisqu'il régna après lui à Thèbes.*