Les occupants se désignaient eux-mêmes en égyptien sous le qualificatif de "heka-khasout" c'est-à-dire "prince du pays des montagnes" d'où provient le terme "hyksos" que leur donnèrent les historiens grecs. Ils établirent leur capitale dans la ville d'Avaris à l'Est du delta et prirent pour dieu dynastique le dieu égyptien Seth qu'ils assimilaient à Sutech, un dieu de l'orage également présent chez les Hittites. Mais ils adorèrent uniquement Sutech sous la forme de Seth, rejetant tous les autres dieux de l'Egypte dont ils détruisirent les temples et tuèrent les animaux sacrés. On peut peut-être voir là un premier exemple d'un monothéisme intolérant au Moyen-Orient.
Après la fuite du roi thébain, les Hyksos se seraient partagé le territoire de l'Egypte en famille. Bien que jusqu'à présent on n'en ait pas de preuve formelle, il existe des indices archéologiques qui suggèrent que la reine Ah-hotep et son frère époux le pharaon Se-qen-en-re Tao qui régnèrent à Thèbes n'étaient pas des Egyptiens d'origine mais des proches parents du dynaste d'Avaris, le terrible Apophis Aa-qen-en-ré qui aurait pu être leur frère, leur cousin ou leur oncle. Mais après quelques années de statu quo et de compromis entre le nord et le sud, il semble que des partisans de la reconquête du Nord aient commencer à s'agiter à Thèbes au point que leurs vociférations revanchardes soient arrivées jusqu'aux oreilles du souverain d'Avaris ; car Apophis envoya un émissaire au pharaon de Thèbes pour se plaindre des clameurs des hippopotames des marais thébains qui l'empêchaient de dormir à 900 km de distance !..
Papyrus de Leiden "Les lamentations d’un sage égyptien" :
"L'homme vertueux pleure à cause de ce qui est arrivé au pays. Les tribus du désert sont devenues des Egyptiens partout. Le désert est à travers le pays, les nomes sont dévastés. Les barbares sont venus de l'extérieur en Egypte et il n'y a plus d'Egyptiens (autochtones) nulle part..."
Discours de la reine Hatshepsout (18e dynastie) dans l'inscription du Speos Artemidos :
"Je ne me suis pas endormie dans l'oubli, mais au contraire j'ai restoré ce qui avait été détruit. J'ai reconstruit ce qui avait mis en ruines autrefois, quand les Asiatiques étaient au milieu d'Avaris dans le Nord de notre pays et que des brigands étaient parmi eux jetant à terre tout ce qui était debout."
La menace du Hyksos n'était pas vaine : on a retrouvé la momie du roi thébain Se-qen-en-ré affreusement mutilée : ses cinq blessures à la tête ont été causées par des armes asiatiques. Nul doute qu'il soit tombé dans un guet-apens tendu par son ennemi qui était pourtant son proche parent !
A la mort de Se-qen-en-ré, son fils le prince Ahmose n'était encore qu'un petit enfant. Face à son puissant ennemi du Nord, la reine Ah-hotep ne pouvait assumer seule la régence du royaume thébain. Elle fit donc appel à son fils aîné Kamose nommé général en chef des armées. Et celui-ci allait bientôt devenir le personnage le plus important du royaume comme en atteste son titre de "pa heka aâ" le grand prince (régent).
Car, en ce temps-là, l'anarchie s'était peu à peu installée dans le pays suite à l'affaiblissement du pouvoir pharaonique après la fin de la 13e dynastie et la famine et les épidémies étaient devenues endémiques en Egypte. C'est alors que les Egyptiens accusant les émigrés Amorites de tous leurs malheurs décidèrent de s'en débarrasser en les envoyant dans le désert sous prétexte qu'ils propageaient la lèpre. Ces malheureux se voyant menacés d'extermination, décidèrent se se rebeller avec l'aide des Solymes, de farouches guerriers du Taurus qu'ils appelèrent à leur secours. Mais ces soldats mercenaires n'étaient que des pillards attirés par la promesse de la rapine. Venant des Monts du Taurus en Anatolie et apparentés aux Hourrites, ces Solymes ou Pisidiens (appelés Solymites par Fl. Josèphe C.A. I, XXVI:248) combattaient avec des armes en bronze, alors que les Egyptiens étaient équipés d'armes en cuivre moins résistantes. Renonçant à livrer un combat perdu d'avance, le roi Antef (VII) Nub-kheper-Ré, dernier souverain égyptien de la 17e dynastie, s'enfuit alors précipitamment en exil en Haute Nubie avec toute sa cour, abandonnant derrière lui son armée qui n'eut d'autre choix que de se rallier à l'ennemi.
Les nouveaux venus avaient d'abord été bien accueillis par les Amorites du delta, anciens bédouins éleveurs de moutons et de chèvres (d'où leur nom de "Pasteurs") devenus cultivateurs et fonctionnaires de pharaon et qui s'étaient bien insérés dans l'économie égyptienne depuis le règne de Sesostris III. Mais forts de la supériorité de leurs armes, les envahisseurs ne tardèrent à réduire toute la population en quasi-esclavage au service d'un pouvoir impitoyable avide de toutes les richesses de l'Egypte. Et le souverain du Nord ayant pris comme emblème le serpent Apop ennemi de Ré dans la mythologie égyptienne, afficha bientôt son intention de s'emparer de tout le territoire égyptien.
(Mon interprétation personnelle du déroulement de ces évènements historiques s'appuie sur les sources rapportées par Flavius Josèphe dans son ouvrage "Contre Apion").
Flavius Josèphe (Contre Apion, livre I, chapitre 14, paragraphe 75 à 77) rapporte :
«Toutimaios, sous son règne, je ne sais comment, la colère divine souffla contre nous, et de façon étrange, un peuple de race inconnue, venu de l'Orient, eut l’audace d’envahir notre pays, et sans difficulté ni combat s’en empara de vive force ; ils se saisirent des chefs, incendièrent sauvagement les villes, rasèrent les temples des dieux et traitèrent les indigènes avec la dernière cruauté, égorgeant les uns, emmenant comme esclaves les enfants et les femmes des autres. A la fin, ils firent même roi l’un des leurs nommé Salitis, ce prince s’établit à Memphis, levant des impôts sur le haut et le bas pays et laissant une garnison dans les places les plus convenables... Dans le nôme Sethroite il fonda une ville très bien située sur la rive est de la branche bubastique du Nil, et appelée Avaris d'après une ancienne tradition religieuse. Cette ville il la rebâtit et la fortifia par de puissantes murailles.».
Colons Amorites et Pharaons Hyksos
ou l'histoire des grenouilles qui demandaient un roi...