Voici comment DIODORE de SICILE (Livre V, 41-46) nous décrit l'île de Panchaïe (Pan-gé = la terre du dieu Pan) qui fait tout à fait penser à l'île de Méroé (l'Atlantide de Platon) :
On dit que la largeur de cette île est d’environ deux cents furlongs (50 km) habitée par ceux qu’on appelle Panchéens qui transportent la myrrhe et l’encens dans les pays étrangers et les vendent aux marchands arabes, à qui d’autres les achètent avec d’autres marchandises et les convoient jusqu’en Phénécie, en Syrie et en Egypte. Et de ces endroits ils sont transportés par d’autres marchands dans le monde entier…
On raconte plusieurs choses mémorables de l'île, qu'on appelle Panchaïe. Elle est habitée non seulement par les naturels du pays, mais encore par des Indiens, par des Scythes et par des Crétois. C'est là qu'est une ville très belle et très riche nommée Panara. Ses citoyens sont appelés les suppliants de Jupiter Triphylien. De tous les Panchéens ce sont les seuls qui aient des lois qui leur soient particulières. Ils n'obéissent à aucun roi, mais tous les ans ils élisent trois magistrats à qui appartiennent tous les jugements qui ne vont pas à la mort, mais ils renvoient les causes capitales aux prêtres. Le temple de Jupiter Triphylien, situé dans une plaine, est à soixante stades (11,1 km) de Panara. Il est considérable, non seulement par son ancienneté et par ses richesses, mais encore par la beauté du terrain qui l'environne. Le champ sacré est couvert d'arbres de toute espèce, tant fruitiers que stériles, mais tous agréables à la vue. En effet, on y voit des cyprès d'une grande hauteur, des platanes, des lauriers et des myrtes, continuellement arrosés par des eaux vives, car dans le bois qui tient au temple, il y a une fontaine qui en jette une si prodigieuse quantité, qu'elle forme non loin de sa source un fleuve déjà navigable. Ces eaux se partageant en plusieurs canaux et arrosant par ce moyen tout le champ sacré, elles y font croître un grand nombre de très beaux arbres qui laissent entre eux des espaces vides où l'on peut s'assembler. La plupart des habitants passent l'été sous ces ombrages, et une infinité d'oiseaux admirables par la variété de leurs couleurs et de leurs chants y viennent faire leurs nids. Enfin, la diversité des plantes et des fleurs qui ornent les jardins et les prairies de cette contrée, en font un séjour délicieux et digne d'être la demeure des dieux mêmes. On y voit aussi de grandes allées de noyers et de palmiers qui fournissent une grande abondance d'excellents fruits. Outre cela, on y trouve quantité de vignes de différentes espèces, qui s'élevant fort haut et diversement entrelacées, surprennent agréablement la vue et forment un paysage charmant.
Le temple de Jupiter Triphylien* est superbe et tout bâti de pierres blanches. Sa longueur est de deux arpents sur une largeur proportionnée. Il est soutenu par des colonnes très massives, mais que la sculpture a extrêmement embellies. Les statues des dieux, remarquables par leur grandeur et par leur poids énorme, sont autant de chefs d'œuvre de l'art. Á l'entour du temple on voit les maisons de ceux qui le desservent, et le frontispice fait face à une avenue longue de quatre stades sur trente toises de large. Les deux côtés de cette avenue sont ornés de grandes statues d'airain posées sur des baies carrées, elle est terminée par les sources qui forment le fleuve dont nous venons de parler. Ses eaux, qui sont fort claires et fort douces, ne contribuent pas peu à la conservation de la santé. On les appelle eaux du soleil. Les sources de ce fleuve sont partout revêtues de pierre blanche jusqu'à la longueur de quatre stades de chaque côté et il n'est permis à aucun homme, excepté aux prêtres, d'entrer dans cette enceinte. La plaine où est situé le temple est toute consacrée aux dieux et les revenus en sont destinés aux frais des sacrifices. Cette plaine est terminée par une montagne fort haute et aussi consacrée aux dieux. On la nomme le char d'Urane ou l'Olympe Triphylien. On dit qu'autrefois Uranus, tenant l'empire du monde, se plaisait à venir sur cette montagne contempler le ciel et les astres. Elle fut enfin nommée l 'Olympe Triphylien à cause des trois nations qui l'habitent, savoir les Panchéens, les Océanites et les Doïens. Ces derniers furent chassés par Ammon, qui de plus rasa entièrement les villes de Doïa et d'Astérusie qui leur appartenaient. On raconte que tous les ans les prêtres font sur cette montagne un sacrifice plein de cérémonies très religieuses. Au delà de cette montagne et dans le reste de la Panchaïe on trouve, dit on, des bêtes de toute espèce, comme des éléphants, des lions, des léopards, des chevreuils et quantité d'autres animaux remarquables par leur figure et par leur force. Cette île a encore trois grandes villes, savoir, Hyracie, Dalis et Océanis. Le terroir en est excellent et on y recueille toutes sortes de vins.
Les hommes y sont courageux et combattent sur des chariots à la manière des anciens. Ils sont partagés en trois classes. La première est celle des prêtres, à laquelle on joint celle des artisans. La seconde est celle des laboureurs, et la troisième comprend les soldats et les bergers. Les prêtres gouvernent tout. Ce sont eux qui jugent les procès et dont les ordonnances font la loi publique. Les laboureurs apportent en commun tous les fruits qu'ils ont recueillis, et ceux qui paraissent avoir cultivé leur champ avec le plus de soin sont distingués avantageusement dans le partage qu'on fait des provisions annuelles. Les prêtres nomment le premier, le second, le troisième, jusqu'à dix de ceux qui ont mérité cette distinction pour donner de l'émulation à tous les autres. Tout de même, les pasteurs rendent publiquement en nombre ou en valeur les troupeaux et les victimes dont on leur a confié l'entretien. Car il n'est permis à personne de posséder rien en propre, à l'exception de sa maison et de son jardin. Les prêtres reçoivent tous les revenus de l'état et le partagent également entre les particuliers, en retenant pour eux une double part. Les Panchéens sont habillés d'étoffes très douces, à cause que les brebis de leur île ont la laine beaucoup plus fine que celles des autres pays. Les hommes portent ainsi que les femmes plusieurs ornements d'or comme des colliers, des bracelets et des anneaux qu'ils passent dans leurs oreilles à la façon des perles. Leur chaussure, la même pour tous, est ornée d'un mélange agréable de couleurs. Les soldats partagent entre eux la garde du pays où ils élèvent des forts et des retranchements contre les incursions des voleurs qui occupent un canton de l'île et qui étant adroits et courageux attaquent les laboureurs et leur font une espèce de guerre. Les prêtres se traitent avec beaucoup plus de délicatesse et de somptuosité que le reste du peuple. Leurs habits sont d'un lin très blanc et très fin, et quelquefois d'une laine presque aussi fine que le lin même. De plus, ils ornent leurs têtes de mitres d'or filé, et leurs pieds de sandales faites avec un très grand art. Ils portent sur eux des bijoux d'or en aussi grand nombre que les femmes et surtout des pendants d'oreille. Leur principale occupation est de servir les dieux, de chanter des hymnes en leur honneur et de célébrer en vers leurs actions et les biens dont les hommes leur sont redevables. Ils disent qu'ils tirent leur origine de Crète, et que Jupiter, lorsque vivant parmi les hommes il régnait sur toute la terre, les transféra dans l'île de Panchaïe. Pour prouver ce qu'ils avancent, ils font voir qu'ils ont conservé dans leur langue plusieurs mots crétois et qu'ils entretiennent avec ce peuple une amitié et une liaison qui leur ont été recommandées par leurs ancêtres. Ils montrent aussi des caractères que Jupiter, disent-ils, a tracés de sa propre main, lorsqu'il jeta les premiers fondements de leur temple. La Panchaïe a plusieurs mines d'or, d'argent, d'airain et de fer, mais il n'est pas permis de transporter hors de l'île aucun de ces métaux. Il est même défendu aux prêtres de sortir hors de l'espace consacré aux dieux, et s'ils en sortent, chacun de ceux qui les rencontrent a droit de les tuer. Le temple est rempli d'offrandes d'or et d'argent que la suite des temps a prodigieusement accumulées. Les portes sont ornées d'ouvrages d'or, d'argent, d'ivoire et du bois de l'arbre qui porte l'encens. Le lit du dieu a six coudées de long et quatre de large. Il est d'or massif et d'un travail très recherché et très fini. Sa table n'est pas moins magnifique et elle est presque aussi grande que le lit auprès duquel elle est placée. Au pied du lit, vers le milieu, s'élève une haute colonne d'or dont l'inscription est en caractères que les Égyptiens nomment sacrés. Elle contient l'histoire d'Uranus, de Jupiter, de Diane et d'Apollon, le tout écrit de la propre main de Mercure. Nous n'en dirons pas davantage sur les îles voisines de l'Arabie.* "
Mais Diodore nous fait une description comparable concernant la cité de Nysa (Livre III, 68:2 et 69:1-4) endroit où Amon roi de Lybie éleva l'enfant qu'il avait eu de son union adultère avec Amalthée :
"Craignant la jalousie de Rhéa, Ammon cacha avec soin cet enfant, et le fit transporter secrètement dans la ville de Nyse, qui était fort éloignée de là. Cette ville est située dans une île environnée par le fleuve Triton ; elle est très escarpée, et l'on ne peut y entrer que par un passage étroit qu'on nomme les portes Nyséennes. L'île est formée d'une terre très fertile, garnie de prairies charmantes, de jardins cultivés, et arrosée de sources abondantes ; elle est couverte d'arbres fruitiers de toute espèce, et de vignes sauvages, la plupart sous forme d'arbrisseaux. Toute cette région est bien exposée aux vents et extrêmement saine ; aussi ceux qui l'habitent vivent-ils beaucoup plus longtemps que leurs voisins. L'entrée de cette île se présente d'abord sous la forme d'une vallée, ombragée d'arbres élevés et touffus, qui laissent à peine y pénétrer un faible rayon du soleil.